Par Peter Rogowsky, INRA, ENS Lyon
Article issu de la présentation du 16 sept lors du FESTIVAL VIVANT
La génétique est un levier parmi d'autres pour relever le triple défi de l'agriculture qui doit garantir la sécurité alimentaire, en protégeant les ressources naturelles et en palliant la raréfaction des énergies fossiles. Au sein des approches génétiques, les biotechnologies végétales sont complémentaires à la sélection classique, avec laquelle elles partagent les mêmes bases, qui sont la mutation et la combinaison de matériel génétique ainsi que la sélection pour des traits agronomiques, écologiques ou de qualité. Les particularités des biotechnologies sont une prise en compte plus exhaustive des la variabilité génétique, son élargissement aléatoire ou réfléchi et l'utilisation de critères moléculaires liés à l'ADN dans l'étape de sélection.
Parmi les biotechnologies, les "new plant breeding techniques" (NBTs), en général, et la technique d'édition des gènes par CRISPR-Cas9, en particulier, font actuellement l'objet d'un intérêt croissant
. Les NBTs comprennent huit techniques qui impliquent toutes la modification de l'ADN
in vitro ou
in planta, sans que les plantes finalement obtenues contiennent toujours des transgènes, ce qui soulève la question du cadre réglementaire à appliquer à ces plantes.
Les atouts des NBTs sont très différents selon la technique utilisée, mais elles tendent en général à accélérer la sélection par la diminution du nombre de générations et à augmenter la précision par des modifications plus ciblées et plus limitées de l'ADN. Si certaines NBTs ne sont pas vraiment nouvelles, l'ensemble des techniques reste actuellement essentiellement réservées à la recherche et au développement. Rares sont les exemples de variétés commercialisées, qui sont issues de ces techniques, même si leur nombre va certainement voir une forte augmentation dans les années à venir. Les NBTs ne permettent pas vraiment d'adresser des traits complètement nouveaux, mais elles donnent plus de possibilités au sélectionneur pour des traits classiques comme le rendement ou la résistance aux pathogènes, des traits émergents comme la tolérance au changement climatique, l'utilisation efficiente des nutriments ou la conversion de la biomasse, et des traits du futur comme la bio-fortification, l'optimisation de la photosynthèse, la dépollution ou l'aptitude à l'association.
L’engouement pour la technique CRISPR-Cas9
La technique CRISPR-Cas9, qui est souvent décrite comme une révolution, n'est qu'une technique de nucléase dirigée parmi d'autres et ne permet pas d'autres modifications que celles déjà possibles avec ses prédécesseurs (méganucléase, zinc finger nucléase, TALEN). Cependant, l'utilisation de la technologie CRISPR-Cas9 est beaucoup plus aisée et rend l'édition des gènes (le remplacement de quelques bases d'un gène) des végétaux accessible à des milliers de laboratoires. La technologie est devenue dans le laps de quelques années un outil indispensable en recherche et commence à prendre son envol en création variétale. Deux de ses trois utilisations sont aujourd'hui maîtrisées chez les espèces ou variétés qui se prêtent à l'ingénierie cellulaire: l'insertion ciblée de transgènes et l'obtention de mutations à un endroit prédéterminé du génome. La troisième utilisation, l'édition du génome est encore limitée à quelques exemples très particuliers. Les preuves de concept concernent actuellement surtout la résistance aux maladies, la tolérance aux herbicides et la composition biochimique des produits récoltés. Mais, comme pour les autres NBTs, la technologie s'appliquera certainement à tout type de trait agronomique, écologique ou de qualité, sous condition de disposer de connaissances sur les gènes à cibler et les modifications à apporter. Concernant la règlementation des plantes obtenues par la technologie CRISPR-Cas9, il conviendra certainement de faire la distinction entre les plantes, qui ne contiennent que les mutations recherchées, mais pas le transgène qui les a déclenchées (édition des gènes), et celles, dans lesquelles le transgène est maintenu pour une propagation dans l'espèce (gene drive).
En conclusion, les NBTs sont des techniques variées qui sont complémentaires à la sélection classique. Elles demandent plus de connaissances et de technicité, mais permettent de raccourcir le temps souvent très long de la création variétale, d'augmenter la précision des modifications de l'ADN et surtout d'augmenter le nombre de gènes à la disposition du sélectionneur pour relever les défis de l'agriculture.
Pour en savoir plus voir
les slides de la présentation